En moins de trois années, deux infections virales épidémiques ont été classées comme urgences de santé publique de portée internationale, la Covid-19 le 30 janvier 2020 et la variole du singe le 23 juillet 2022. Dans un cas comme dans l'autre, la propagation rapide d'une maladie émergente, contagieuse, potentiellement mortelle, touchant de nombreux pays sur plusieurs continents, a justifié le déclenchement du plus haut niveau d'alerte de l'Organisation mondiale de la santé.
Mis à part d'inévitables dérives infodémiques suscitées par la proximité chronologique de ces deux épidémies, un seul point commun est à retenir : de même que la Covid-19, la nouvelle forme épidémio-clinique de variole du singe a une origine zoonotique. Le franchissement de la barrière d'espèce a permis au monkeypox virus (MPXV) en Afrique, comme au SARS-CoV-2 en Chine, de s'adapter à l'Homme, puis de se transmettre de personne à personne.
Pour le reste, tout oppose la variole du singe à la Covid-19 ; le MPXV est un virus à ADN du genre Orthopoxvirus, proche des virus de la variole et de la vaccine, quand le SARS-CoV-2 est un virus à ARN du genre Betacoronavirus. L'épidémiologie, les signes cliniques et la gravité de ces deux infections sont totalement distincts, la transmission se faisant surtout par voie aérienne pour le SARS-CoV-2 et principalement lors de contacts sexuels pour le MPXV. Quant au taux de létalité de la variole du singe, il est beaucoup plus faible que les taux rapportés dans les zones endémiques africaines et s'avère 10 fois moindre que celui de la Covid-19.
Dans un cas comme dans l'autre, il faut dépister et isoler les sujets contaminés, prévenir la transmission et induire une immunité protectrice par la vaccination. Toutefois, les mesures visant à endiguer la variole du singe ne s'appliquent pas à l'ensemble de la population, mais visent spécifiquement les personnes à risque, c'est-à-dire les hommes homo- ou bisexuels ayant des partenaires multiples, qui représentent plus de 95% des cas déclarés. La variole du singe évoluant comme une infection sexuellement transmissible (IST) depuis son émergence au mois de mai 2022 [1], il est possible d'éviter sa transmission en respectant une hygiène corporelle stricte et les principes du « safe sex » incluant un auto-dépistage des éruptions cutanées et muqueuses, en utilisant le préservatif (recommandé pendant 8 semaines après la disparition des symptômes) [2], en réduisant le nombre de partenaires ou en pratiquant une abstinence temporaire.
À la différence de la prévention de la Covid-19, pour laquelle la vaccination est devenue accessible après une longue année de pandémie, la prévention de la variole du singe a pu, dès le début de l'épidémie, bénéficier de la vaccination antivariolique qui confère une immunité croisée de l'ordre de 85%. Elle utilise un vaccin de 3èmegénération (Imvanex®), développé à partir d'une souche non réplicative du virus de la vaccine Ankara [3], qui avait reçu une autorisation de mise sur le marché européenne « sous circonstances exceptionnelles » en 2013 pour l'immunisation des adultes contre la variole. Ce vaccin a été approuvé le 25 juillet par l'Agence européenne du médicament pour la vaccination contre la variole du singe. Bien que les données disponibles sur l'immunogénicité et la tolérance de ce vaccin, ainsi que les résultats expérimentaux chez l'animal, soient très encourageants [4], son efficacité clinique est encore peu documentée.
Dans son avis du 8 juillet, face à l'augmentation rapide du nombre de nouveaux cas de variole du singe, la Haute autorité de santé a modifié sa stratégie vaccinale, initialement réactive en post-exposition, pour une vaccination pré-exposition des personnes à haut risque d'infection [5]. Un premier déstockage de 30 000 doses de vaccin à partir des réserves stratégiques, constituées dans l'éventualité de la réapparition de la variole, devait assurer l'immunisation de 15 000 personnes en respectant le schéma vaccinal recommandé (2 doses de 0,5 ml à 28 jours d'intervalle), soit une faible proportion de la population-cible estimée à 250 000 personnes en France [5]. À défaut d'un réapprovisionnement rapide pour une vaccination plus large, il est probable que la campagne nationale ne parviendra pas à endiguer la progression épidémique actuelle de variole du singe.
Pour éviter une pénurie de doses, il est proposé de prioriser la vaccination post-exposition et de différer l'administration de la seconde dose de plusieurs semaines en cas de besoin [5], cette option privilégiant la prévention des formes graves mais ne pouvant pas interrompre la circulation du virus.
Tant que l'approvisionnement en vaccin Imvanex® ne sera pas suffisant pour immuniser toutes les personnes à haut risque d'infection, l'Académie nationale de médecine recommande :
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