Un suivi post-opératoire ou une séance avec un psychologue, de chez soi, devant son ordinateur ou sa tablette... De nouvelles pratiques, rendues possibles par une offre croissante de soins à distance. La télémédecine est-elle la solution miracle pour une réponse aux défis que doit relever le système de santé ? Quelles solutions pour favoriser le déploiement de la télémédecine sur le territoire ? Amandine Cayol, maître de conférences en droit privé (ICREJ) a mené le projet de recherche EDeTeN qui repose sur un important travail d'enquêtes de terrain encore inédit en Normandie. Ce travail a permis de réaliser une analyse pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales sur les enjeux du développement de la télémédecine sur le territoire. L'une des conclusions de cette étude démontre que la télémédecine ne serait pas la solution miracle aux déserts médicaux de Normandie ou même de France ; la télémédecine profitant en grande majorité aux jeunes actifs et non aux personnes âgées qui ont plus de difficulté à accéder à des consultations médicales.
« Les conclusions de l'étude menée en Normandie rejoignent celles menées au niveau national. Elles soulignent que ce sont les jeunes actifs, vivant en milieu urbain et maîtrisant les outils numériques, qui recourent le plus aux téléconsultations. La télémédecine constitue, pour cette population, un gain de temps considérable dans une vie familiale et professionnelle déjà bien remplie. Les personnes âgées résidant en milieu rural se sont, en revanche, peu approprié ces technologies numériques », analyse Amandine Cayol.
Les chercheurs présenteront les résultats de cette étude lors du colloque Enjeux du développement de la télémédecine en Normandie qui se déroulera le vendredi 17 mars prochain à l'université de Caen Normandie (campus 1 · esplanade de la paix).
Les objectifs du projet EDETEN
Les promesses de la télémédecine sont multiples : accès facilité aux soins sur l'ensemble du territoire - notamment pour les patients les plus fragiles et les plus vulnérables - prise en charge plus rapide et plus efficace, gain de temps et réduction des coûts liés aux déplacements... EDETEN, pour « Enjeux et développement de la télémédecine en Normandie », est un projet de recherche lancé en 2020 pour apporter un éclairage sur les leviers et les freins au déploiement de la télémédecine sur le territoire. Ce projet implique des juristes, des gestionnaires, des géographes, des sociologues, des psychologues et des philosophes pour répondre aux interrogations, nombreuses, que soulèvent ces nouvelles pratiques de soins.
Quel regard les professionnels de santé portent-ils aujourd'hui sur la télémédecine ?
Tous les actes médicaux ne peuvent, bien entendu, être réalisés à distance. Mais lorsqu'elle peut être mise en place, la téléconsultation est généralement bien perçue par les patients et par les professionnels de santé. L'offre de soins à distance s'étend et se diversifie. La pandémie a probablement contribué à lever les blocages existants. En santé mentale, par exemple, les psychologues et les psychiatres sont en général très satisfaits de la qualité du suivi. Néanmoins, les professionnels de santé insistent : la télémédecine doit s'inscrire dans le cadre d'un parcours de soins et ne doit pas se substituer à l'offre de soin en présentiel.
Qu'en est-il des patients ? Et de leur consentement ?
C'est l'un des enjeux soulevés par l'étude. Selon la loi, toute démarche médicale doit être conditionnée au recueil d'un consentement éclairé du patient. Cette exigence s'applique bien entendu à la télémédecine, dont les modalités et les objectifs doivent être compris par les patients. « Or, les professionnels de santé considèrent trop souvent qu'une connexion équivaut à un consentement... tandis que les patients ne savent généralement pas s'ils ont consenti, ni même ce à quoi ils ont consenti. À cet égard, l'accompagnement par un tiers -membre de la famille, infirmière ou même pharmacien - joue un rôle crucial dans la relation patient-médecin, pour veiller à la réception et à la bonne compréhension de l'information », explique Amandine Cayol.
EDeTeN à l'origine de livres blancs et d'une charte éthique de télémédecine
Les travaux ont conduit à la rédaction de livres blancs sur les enjeux juridiques et éthiques pour orienter les acteurs et les décideurs locaux. Une charte sur le développement de la télémédecine a également été préparée en partenariat avec l'Espace de réflexion éthique de Normandie pour garantir la prise en charge des patients dans le respect des principes éthiques et déontologiques.
Quelles sont les conclusions de votre étude ?
Le projet EDeTEN comprend un volet « géographie et aménagement du territoire » dont l'objectif est d'analyser les disparités territoriales en matière d'accès au soin.
« Les conclusions de l'étude menée en Normandie rejoignent celles menées au niveau national. Elles soulignent que ce sont les jeunes actifs, vivant en milieu urbain et maîtrisant les outils numériques, qui recourent le plus aux téléconsultations. La télémédecine constitue, pour cette population, un gain de temps considérable dans une vie familiale et professionnelle déjà bien remplie. Les personnes âgées résidant en milieu rural se sont, en revanche, peu approprié ces technologies numériques. D'où nos réflexions sur le tiers - qu'il s'agisse d'un professionnel de santé ou d'un proche, qui peut proposer un accompagnement et un soutien précieux. Autre piste étudiée : celle des tiers lieux de santé, où se concentreraient divers services numériques utiles à la population », conclut Amandine Cayol.
Colloque du 17 mars : Enjeux du développement de la télémédecine en Normandie
Tables rondes, posters, serious game... Les formats de discussion seront très variés avec, au cœur du programme de ce colloque ouvert au public, les dimensions éthiques, juridiques et géographiques de la télémédecine.
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