Métiers de santé et emploi : quid de l'attractivité de la fonction publique ?

France Stratégie révèle une crise d'attractivité que connait particulièrement la fonction publique dans le secteur des métiers de santé

Publié le 10 décembre 2024

France Stratégie vient de publier un rapport intitulé " Travailler dans la fonction publique Le défi de l'attractivité"

15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d'Etat non pourvus en 2022, 21 % des lits de l'AP-HP fermés la même année, dont 70 % par manque de personnel, 64% des collectivités territoriales indiquant au moins un champ professionnel en tension en 2023. Ces quelques chiffres illustrent la crise d'attractivité que connait la fonction publique.

Dans son nouveau rapport, France Stratégie montre que cette crise est d'une nature et d'une ampleur nouvelle, et devrait se prolonger dans les années à venir. Les auteurs éclairent de manière inédite ces difficultés d'attractivité et leurs déterminants : image, carrières, rémunérations, conditions de travail, en comparaison avec le secteur privé. Autant de facteurs qui doivent être mobilisés conjointement comme leviers d'action pour reconstruire l'attractivité de la fonction publique.


Aux origines de ce rapport : un enjeu majeur pour l'action publique


S'inscrivant dans le prolongement de ses travaux sur « la fabrique des politiques publiques », France Stratégie a souhaité inscrire le sujet de l'attractivité des métiers de la fonction publique à son programme de travail en 2023. Elle a alors proposé aux administrations et acteurs des trois versants de la fonction publique de contribuer à leurs travaux et chantiers déjà en cours sur ces sujets, par des analyses visant à objectiver plus précisément les difficultés, enrichir le diagnostic et étudier les déterminants des difficultés rencontrées. En lien avec des chercheurs et des experts de tous horizons (think tanks, acteurs territoriaux,syndicats, etc.), France Stratégie a procédé à une large série d'auditions et mené une analyse approfondie des travaux existants, complétée par des recherches inédites mobilisant notamment une enquête qualitative et des travaux statistiques originaux sur la mobilité sociale, les salaires et la qualité de l'emploi afin d'offrir une vision globale de la situation de la fonction publique et de ses métiers par rapport au secteur privé.

Une crise d'attractivité de grande ampleur et qui s'annonce durable



12 candidats se présentaient pour un poste offert aux concours de la fonction publique d'Etat dans les années 2000 : ils ne sont plus que 4 aujourd'hui. Si les tensions sur les recrutements d'enseignants et de soignants sont bien connues, la crise affecte l'ensemble des ministères (Intérieur, Finances, Justice, armées notamment) comme les fonctions publiques territoriales et hospitalière... Ces difficultés touchent aussi bien les métiers « à vocation » que les fonctions support, l'administration générale et les métiers très qualifiés (notamment les spécialistes du numérique). 

Multidimensionnelle et s'installant dans la durée, la crise d'attractivité qui touche aujourd'hui les trois versants de la fonction publique est caractérisée par une fragilisation de la plupart des éléments qui, matériellement ou symboliquement, attirent vers la fonction publique puis maintiennent l'intérêt pour l'un de ses métiers. Cette fragilisation s'observe désormais à tous les moments de la relation de travail : avant l'embauche, pendant le processus de recrutement, au début de la carrière et en cours de carrière.

Si rien n'est fait, ces difficultés devraient perdurer voire s'aggraver pour certains métiers, du fait de l'érosion des viviers de futurs agents publics et de la concurrence accrue exercée par secteur privé pour recruter des jeunes débutants, alors que les besoins de recrutement resteront importants, notamment pour remplacer les départs en retraite.



Une analyse des déterminants de la crise afin d'identifier les leviers pour y remédier



Dans la seconde partie du rapport, les auteurs analysent les sources de cette perte d'attractivité des métiers publics : une image et des valeurs moins identifiées, un équilibre fragilisé entre avantages et contraintes - réels ou perçus - du statut, une évolution des rémunérations moins favorable que celle du secteur privé, des spécificités en matière de conditions d'exercice qui s'étiolent. Celle-ci conserve cependant bien des atouts à faire valoir pour attirer de nouveaux entrants et retenir les présents : sens des missions et utilité sociale, accès non-discriminant à des carrières ascendances, conciliation des temps...

Reconstruire son attractivité nécessite de les faire connaître et reconnaître, mais aussi - et peut-être surtout - de les conforter, en agissant conjointement sur l'ensemble des leviers identifiés : image, carrière, rémunération et conditions de travail.


Des orientations de méthode pour une stratégie globale d'attractivité



Les auteurs identifient quelques orientations de méthode pour conduire ce chantier. Il est nécessaire de construire une stratégie globale d'attractivité, associant mesures d'urgence et perspectives de moyen terme, actions sur l'ensemble de la fonction publique et déclinaisons spécifiques par versant et par métier, en associant les agents et leurs représentants pour s'appuyer sur leur aspiration à servir et leurs propositions pour reconstruire l'attractivité.


Déséquilibres potentiels dans les principaux métiers de la fonction publique hospitalière entre 2019 et 2030, en milliers

Note : la fonction publique hospitalière représente au moins 10 % ou plus de l’emploi des métiers retenus.
Champ : France métropolitaine.
Lecture : entre 2019 et 2030, chez les aides-soignants de la fonction publique hospitalière, le déséquilibre
potentiel entre les 90 000 besoins de recrutement (soit 69 000 départs en fin de carrière plus 21 000 créations
nettes d’emploi) et le nombre de jeunes débutants (47 000) serait de 43 000.
Source : France Stratégie, à partir de Métiers 2030 (France Stratégie/Dares)



Postes vacants 2019-2022 par catégorie d'établissement (en pourcentage)

Note : les employeurs sont interrogés sur les postes « vacants » tous statuts confondus, pas seulement les
titulaires.
Lecture : au printemps 2022, 2,5 % des postes d’aides-soignants sont vacants.
Source : FHF Enquête RH 2022 synthèse