Zoom sur un dispositif de médiation santé pour renforcer l'accès à la prévention et aux soins

Une réalisation de la Mutualité française Loire - Haute Loire SSAM

Publié le 07 novembre 2016

La Mutualité française Loire - Haute Loire SSAM, en partenariat avec l'IREPS Rhône-Alpes (Instance Régionale d'Education et de Promotion de la Santé) et le CHU de Saint Etienne, propose un dispositif de médiation santé pour améliorer l'accès aux droits de la santé, à la prévention, aux dépistages et aux soins des publics résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.

Ce projet financé par l'Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes suite à un appel à candidature en 2015, est également soutenu au titre de la politique de la ville par Saint Etienne Métropole, la Ville de Saint Etienne, et la Direction Départementale de la Cohésion Sociale.

Il bénéfice d'une dotation financière de 105 000 euros pour 12 mois.

3 territoires ont été ciblés par les partenaires : La Ricamarie, Saint Etienne (Quartier Beaubrun, Tarentaise, Le Puits Couriot) et Saint Chamond (Centre Ville, Saint Julien, Lavieu) pour y développer une action de médiation en santé.

3 médiateurs santé, recrutés et formés pour ce projet, encadrés par un coordonateur, accompagnent depuis juin 2016 les personnes les plus en difficulté, en s'appuyant sur les partenaires et structures locaux en vue de :

-les identifier et créer du lien

-les amener à apporter une attention à leur santé

-les aider à accéder à une couverture sociale et complémentaire

-les accompagner vers les acteurs de la prévention et du soin, en tenant compte de leurs besoins

Face à la complexité du système de santé, la multiplicité des dispositifs et la méconnaissance par les bénéficiaires de ces dispositifs, les barrières linguistiques, les médiateurs constituent une interface entre l'offre de santé et une population précaire.

Outre l'accompagnement individuel proposé à travers les permanences (les lieux des permanences ont été choisis dans des locaux déjà identifiés par les publics), des actions collectives d'éducation pour la santé seront organisées notamment avec les coordonateurs des ateliers santé Ville.

Concrètement les médiateurs sont amenés à :

-accueillir, écouter, informer, orienter le public

-aider à la mise en place des démarches administratives d'accès aux droits de la santé des personnes ayant des difficultés à compléter leurs dossiers, en particulier à l'égard de difficultés de compréhension

-orienter les personnes concernées vers les acteurs adaptés aux différentes problématiques : travailleurs sociaux, professionnels de santé, ... ou les réorienter le cas échéant vers les organismes retraite, emploi, logement, ...

-accompagner physiquement vers l'accès aux soins et la prévention les personnes les moins autonomes

-mettre en place des actions collectives d'éducation pour la santé

Pour mener à bien leurs missions, les médiateurs travaillent en étroite collaboration avec les coordonateurs des ateliers santé ville, les centres sociaux, les associations de quartier, la PASS du CHU de Saint Etienne, la caisse primaire d'assurance maladie, les travailleurs sociaux, les acteurs du logement social, les acteurs de la prévention.

A travers ce projet, la Mutualité française Loire - Haute Loire SSAM et ses partenaires entendent améliorer l'accès aux soins des plus précaires, comme le prévoit le Projet Régional de Santé de l'ARS.

Ce dispositif fera l'objet d'une évaluation tant qualitative que quantitative qui permettra d'envisager son développement sur d'autres quartiers prioritaires du département.

LE CONTEXTE

  1. Le contexte national

De graves inégalités sociales de santé perdurent en France, auxquelles les bénéficiaires de des dispositifs (CMU, CMU-c, AME) sont particulièrement exposés. Il ressort de nombreux constats documentés que la complexité d'accès à ces dispositifs et/ou du maintien de l'ouverture des droits se traduit par un phénomène croissant de "non recours". En dépit des efforts entrepris pour les réduire, la complexité du système de santé, les pratiques de certains professionnels de santé et le rapport individuel à la santé freinent l'accès aux droits et aux soins.

En septembre 2013, la députée Aline Archimbaud remet son rapport sur l'accès aux soins des plus démunis et à la lutte contre le non-recours aux droits sociaux. (Rapport au 1er ministre, septembre 2013 établi par Aline Archambaud, sénatrice de Seine St Denis)

Ce dernier est articulé avec les actions prévues dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale dans son axe "accès aux droits".

Après avoir insisté sur le caractère multidimensionnel et cumulatif des facteurs d'exclusion, la mission fait le constat d'un décalage croissant entre d'un côté, le discours des pouvoirs publics sur la lutte contre la précarité et les objectifs de qualité de service et d'accessibilité affichés par l'Assurance maladie, et de l'autre la réalité vécue par les personnes en situation d'exclusion.

Cette réalité est celle d'un « parcours du combattant » pour l'accès aux droits. Plus que tout autre usager du système de santé, les personnes fragiles souffrent des difficultés d'accès aux soins et sont exposées plus que d'autres aux refus de soins. Les difficultés matérielles d'ordre existentiel (logement, emploi, alimentation) contribuent à reléguer la santé au second plan : les restes à charge élevés et l'application variable de la dispense d'avance de frais (tiers payant) favorisent le renoncement financier aux soins.

Les personnes précaires sont ainsi victimes d'une « triple peine » : plus exposées à la maladie, elles sont aussi les moins réceptives aux messages de prévention et celles qui ont le moins recours au système de soins.

Cette situation est encore plus dégradée pour certains territoires comme les quartiers prioritaires de la politique de la ville reconfigurés, dans le cadre de la loi du 21 février 2014 relative à la programmation pour la ville et la cohésion urbaine, par décret du 30 décembre 2014.

Les études menées dans le cadre de l'observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), sur l'ancien zonage, montrent que la population habitant les ZUS présente des caractéristiques sanitaires spécifiques :

- des indicateurs de santé globalement plus défavorables que pour le reste de la population;

- un mauvais état de santé ressenti par la population;

- un recours des habitants à l'hospitalisation et aux urgences hospitalières plus fréquent ;

- un recours moins fréquent à un spécialiste ;

- une plus faible présence médicale et paramédicale ;

De façon plus générale, le contexte économique difficile retentit sur les comportements et la santé physique et psychique.

Avec la montée en puissance de la précarité, un décalage de plus en plus grand se crée avec des publics qui, incapables de s'adapter au système devenu trop complexe, ont besoin d'un accompagnement personnalisé et renforcé. L'enjeu est désormais d'être capable de faire 3

s'exprimer des besoins qui ne s'expriment plus spontanément, « d'aller vers » les bénéficiaires potentiels ou même de « rendre visibles » des personnes qui ne demandent rien par ignorance totale de leurs droits.

La notion d'accompagnement personnalisé figure dans la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Les métiers de la médiation et de « l'aller vers » au sens large en offrent une bonne illustration. Ils constituent une vraie richesse, un potentiel de créativité sociale qui apporte une contribution innovante à la lutte contre la précarité dans les zones difficiles.

Les CPAM (Caisses primaires d'Assurance maladie) se sont également dotées d'un « plan local d'accompagnement du non recours, des incompréhensions et des ruptures » (PLANIR), véritable filet de protection permettant tout à la fois de rechercher des bénéficiaires potentiels, d'accompagner le demandeur puis de suivre le renouvellement de l'aide octroyée. Cette démarche est originale en ce qu'elle s'attaque à des dysfonctionnements du service public (non recours, incompréhensions, ruptures) dans une optique de traitement égalitaire des assurés et sans stigmatiser les populations qui en sont victimes.

  1. Le contexte régional

L'Agence régionale de santé (ARS) a pour mission de mettre en oeuvre et de piloter la politique de santé dans la région.

Le Projet Régional de Santé (PRS) inscrit pour 5 ans (2012-2017) les orientations régionales définies en concertation avec les professionnels et les représentants des usagers.

En Rhône-Alpes, les actions à conduire pour améliorer l'accès aux soins des plus précaires sont déclinées dans le PRAPS (Programme régional d'accès à la prévention et aux soins pour les plus démunis), un des 5 programmes inclus dans le Projet régional de santé.

Il cible 3 populations spécifiques : les habitants des quartiers prioritaires politique de la ville, les personnes sans domicile individuel et les migrants en difficulté ciblés par le PRIPI (programme régional d'intégration des personnes immigrées piloté par la DRJSCS).

Les actions à soutenir pour les publics les plus démunis doivent reposer sur une offre graduée d'accompagnement (extrait du PRAPS) en vue de:

?Identifier les personnes sur leur lieu de vie (CHRS, habitat précaire, ...), créer du lien et ?les amener à apporter une attention à leur santé

?Les aider à accéder à une couverture sociale et complémentaire

?Les accompagner vers les acteurs de la prévention et du soin, en tenant compte de leurs besoins, sur la durée nécessaire à une prise en charge complète.

L'ensemble de ces étapes peut être réalisé par plusieurs acteurs : les professionnels des PASS (permanence d'accès aux soins de santé), les associations, les structures sociales, les Ateliers Santé Ville, les médiations en santé...

En 2010, la FRAES (fédération Rhône Alpes d'éducation pour la santé) et le CRIPS avaient élaboré un document relatif à "la médiation santé : un outil pour l'accès à la santé ?" dans lequel la médiation en santé pouvait être ainsi définie:

" interface de proximité pour faciliter l'accès aux droits, à la prévention et aux soins, assurée auprès d'un public par une personne de confiance, issue de ce public ou proche de lui, compétente et formée à cette fonction d'information, d'orientation et d'accompagnement. Le médiateur santé crée du lien entre l'offre de santé et une population qui éprouve des difficultés à y accéder."