Healphi, une solution clés en mains pour le déploiement et la logistique de la télémédecine De nombreux secteurs, notamment les banlieues des grandes agglomérations et les villes de taille intermédiaire, sont désormais touchés par la désertification médicale. Offrant une solution alternative, la société Healphi est spécialisée dans le déploiement et la logistique de la télémédecine. L'approche est simple. Il s'agit de créer des cabinets de téléconsultation, locaux médicalisés semblables à des cabinets classiques, dans des zones en déficit de médecins. Retour sur ce concept innovant aux côtés des deux fondateurs d'Healphi : Jean-Sébastien Gras et Tarik Mouamenia.
La rédaction
Comment est née l'idée d'Healphi ?
Jean-Sébastien Gras et Tarik Mouamenia - Healphi
Tous deux ingénieurs Arts et Métiers, nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l'école. Après avoir travaillé quelques temps ensemble, nous nous sommes associés pour créer Healphi. Nous sommes partis d'un constat simple : la France fait face aujourd'hui à un réel problème de désertification médicale. Nous proposons donc un modèle de téléconsultation, qui pallie à ce problème, et que nous proposons en médecine générale depuis environ un an.
La rédaction
Parlez-nous de votre entreprise
Healphi
Actuellement, de plus en plus de personnes sont confrontées à un manque de médecins, plus particulièrement dans les déserts médicaux. Dans ce contexte, nous avons voulu proposer une solution clés en mains pour les collectivités et les structures médicales telles que maisons de santé ou EHPAD, avec qui nous travaillons beaucoup. Notre objectif : installer des cabinets de téléconsultation. Sur place, les patients sont pris en charge par un infirmier ou une infirmière qui réalise la prise des mesures. Ils utilisent le chariot de télémédecine que nous avons créé. Le patient n'est donc jamais directement confronté à la technologie.
La rédaction
Vos solutions ne s'adressent-elles qu'aux médecins généralistes ?
Healphi
Pour l'instant, nos solutions sont développées uniquement pour la médecine générale. Mais nous travaillons actuellement sur d'autres aspects pour qu'elles s'adaptent très bientôt à la dermatologie et à la cardiologie.
La rédaction
Vous proposez donc une solutions « clés en mains » aux collectivités et maisons de santé
Healphi
Oui, nous avons fait le pari de nous dire que nous n'étions pas uniquement des fournisseurs de matériel. Bien au contraire !
Nous souhaitons fournir un service complet qui va de la prestation de matériel au recrutement des médecins ou des infirmiers ainsi, qu'à la formation des professionnels de santé, qui est absolument nécessaire. Car il s'agit bien ici de nouvelles pratiques médicales. L'infirmier doit par exemple être en mesure de faire une auscultation pulmonaire ou cardiaque. Ce n'est pas anodin et il est très important d'être formé. Nous faisons d'ailleurs appel à des médecins partenaires qui viennent former les infirmiers pour qu'ils soient opérationnels sur le terrain et puissent prendre en charge les patients.
La rédaction
Dans quelles zones géographiques sont développées les solutions Healphi ?
Healphi
Dans les communes en manque de médecins. Celles-ci nous contactent, soit directement par internet, soit après avoir vu l'un des reportages consacrés à notre solution dans la presse. Nous pouvons aussi nous déplacer directement dans ces communes, en nous appuyant sur les chiffres de l'Ordre des médecins ou du Ministère de la santé. Quand nous voyons qu'une commune cherche désespérément un médecin depuis des années, nous la contactons pour lui demander si elle serait intéressée par une solution un peu différente, qui ne va pas remplacer le médecin à 100%, c'est une évidence, mais qui va pourra aider fortement les populations. Notre solution peut également être intéressante dans des régions montagneuses. Pour les généralistes, plus besoin de se déplacer et de perdre de temps médical dans de longs trajets.
La rédaction
Comment est financée l'installation de la solution ?
Healphi
Globalement, cela se passe de manière assez simple. Dans un premier temps, nous facturons l'installation à la collectivité.
La Région Val de Loire a par exemple financé une partie des installations réalisées dans le Loiret. Ce peut être également la Mairie ou la Communauté de communes qui les finance. Ensuite, nous prenons une commission sur les honoraires des médecins. Celle-ci nous permet d'entretenir le système en payant les fournisseurs, de faire les virements bancaires, de s'assurer qu'il y ait toujours un infirmier sur place, de gérer les consommables sur le site, etc.
Pour résumer, notre travail va consister à faire en sorte d'aller au-delà de la partie mise à disposition du matériel qui va permettre de pratiquer la téléconsultation, en assurant la bonne gestion du cabinet au quotidien. Ce serait beaucoup trop facile de se positionner uniquement comme fournisseur de matériel !
Nous veillons donc à nous assurer que tout fonctionne et nous apportons ainsi de solides garanties aux collectivités.
La rédaction
Cet accompagnement est-il indispensable ?
Healphi
Oui. Certaines des collectivités avec lesquelles nous travaillons ont déjà reçu auparavant des chariots de télémédecine de la part d'ARS mais ces derniers n'ont jamais été utilisés. Même si le chariot est de bonne qualité, si personne ne s'occupe de sa gestion logistique et qu'aucun professionnel de santé n'est connecté derrière, cela ne peut pas fonctionner. Et au final, le chariot de télémédecine reste dans un coin et n'est pas utilisé. C'est tout ce que nous ne voulons pas.
La rédaction
Vous proposez donc une solution complète.
Healphi
Oui. Nous proposons un chariot de télémédecine de qualité que nous assemblons nous-mêmes. Nous sélectionnons des instruments de haute qualité grâce aux retours de nos médecins et infirmiers. Nous assurons également la gestion de ce matériel et la logistique. Une grosse partie de notre travail consiste, par exemple, à gérer l'agenda des infirmiers et des médecins, car les téléconsultations ne se font que sur rendez-vous. Ainsi, nous faisons en sorte que les patients puissent toujours retrouver le même binôme médecin/infirmier afin d'offrir un suivi qui se différencie des autres solutions existantes. Nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie à la gestion des plannings des médecins et infirmiers libéraux. Il faut anticiper toutes sortes de situations telles que les arrêts maladie ou les congés maternité pour qu'il n'y ait pas de rupture d'offre de soins sur le cabinet. C'est une vraie mission RH !
Il y a aussi la partie technique que nous assurons. Nous payons les licences des logiciels utilisés, ou la banque pour les frais de virement. La somme de 2,90€ est facturée au médecin pour chaque téléconsultation. L'installation est quant à elle prise en charge par la collectivité, l'EHPAD ou la maison de santé. Mais ensuite, aucun frais supplémentaire n'est facturé.
La rédaction
2,90€ sont facturés au médecin à chaque téléconsultation, quel est leur retour ?
Healphi
Ce coût est abordable et les médecins acceptent ce mode de fonctionnement. Le prix est plutôt faible au regard du service proposé. Cette formule peut intéresser différents profils, tels que par exemple des médecins retraités, proposant des téléconsultations sur une ou deux journées par semaine. Ils n'ont ainsi pas de frais liés à leur cabinet ou liés à leur plaque.
La rédaction
Quel est le retour des médecins après les premiers mois ?
Healphi
Au départ, nous nous attendions à faire beaucoup de renouvellements d'ordonnances. Mais d'après notre retour terrain, les médecins peuvent être amenés à faire face à des pathologies parfois lourdes. Il faut préciser que dans certains territoires, il y a bien longtemps qu'on ne vient plus consulter pour un simple rhume ! Ce qui explique qu'au cours des mois passés, il y a eu des découvertes de diabète ou de cancer chez des patients qui n'étaient pas venus consulter depuis plusieurs années. C'est une très bonne chose que ces patients aient pu avoir une téléconsultation à temps pour avoir accès à un traitement qui limite la gravité de la maladie.
La rédaction
Concrètement, comment se déroule une téléconsultation ?
Healphi
La téléconsultation, c'est nouveau et nous n'avons pas voulu bousculer les utilisateurs !
Nous avons souhaité proposer un parcours client le plus simple possible. Concrètement il y a aujourd'hui deux canaux de rendez-vous.
Numéro 1 : le téléphone, privilégié notamment par les seniors.
Les patients peuvent également prendre rendez-vous directement sur internet via le site de prise de rendez-vous www.mablouseblanche.fr . Le jour J, le patient se rend au cabinet de téléconsultation qui peut se trouver dans une maison paramédicale, un EHPAD, une maison de santé etc. Ce cabinet est équipé d'une table d'examen, d'un chariot de télémédecine, d'un bureau, une chaise, bref, comme n'importe quel cabinet de médecin. Sauf qu'ici, dans le cadre de la téléconsultation, c'est l'infirmier qui accueille et prend en charge le patient. Ensuite, l'infirmier se connecte avec le médecin pour établir une liaison en direct. Le médecin peut alors poser des questions au patient, demander à ce que certains examens soient faits. L'infirmier va par exemple lire les mesures en utilisant le stéthoscope ou l'auto-scope. Le cas échéant, il va utiliser les caméras de proximité pour voir de plus près des problèmes de la peau ou dans la gorge. Puis le médecin établit son diagnostic. L'infirmier imprime alors une ordonnance papier. Pour le patient, comme le professionnel de santé, cela reste très simple à gérer.
La rédaction
Parlez-nous des récompenses que vous avez reçues.
Healphi
Nous avons reçu un prix de l'innovation de la part de l'AMF (Association des Maires de France) en novembre 2018, à l'occasion du Salon des Maires. Nous avons gagné le trophée dans la catégorie santé/social. Il y a quelques semaines, nous avons également remporté le trophée de la transformation numérique. Ce prix a été remis par le magazine Solutions Numériques, dans les locaux de Microsoft, à Paris.
La rédaction
Pourquoi votre solution est-elle particulièrement adaptée aux Maisons de Santé par exemple ?
Healphi
Les maisons de santé ont souvent tendance à installer des solutions de téléconsultation dès lors que l'offre de soins est insuffisante. D'autre part, il est assez fréquent que des maisons de santé qui comptaient au départ deux médecins ne se retrouvent plus qu'avec un seul. C'est notamment le cas dans la maison de santé de Châtillon-Coligny. Elle comptait deux médecins, mais l'un d'eux vient de partir à la retraite. Nous venons donc d'investir le local qui n'est plus utilisé pour créer un cabinet de téléconsultation. A l'intérieur, nous avons disposé tout le matériel nécessaire et nous disposons d'une connexion internet dédiée. Ce cabinet permet désormais d'accueillir les patients et pallie concrètement au manque de médecins offrant ainsi à des centaines de patients une solution alternative.
La rédaction
Pourquoi certaines zones rurales manquent-elles cruellement de médecins ?
Healphi
Ce que nous constatons, c'est que les médecins n'ont pas forcément peur d'aller s'installer en milieu rural. C'est plutôt la surcharge de travail et les journées de 12 à 13 heures qu'ils craignent. Nous espérons que la mise en place des cabinets de téléconsultation puisse attirer les médecins dans ces déserts médicaux. La télémédecine ne doit pas être la seule solution mise en place sur ces territoires. Mais grâce à elle, les médecins souhaitant s'installer dans ces secteurs ne seront plus vraiment seuls. Grâce à l'offre de télémédecine qui prendra en charge la patientèle il n'y aura plus un mais quasiment deux médecins sur le terrain.
La rédaction
Via cette solution, vous espérez donc attirer davantage de médecins dans les déserts médicaux.
Healphi
Oui. Nous aimerions profiter de cette occasion pour attirer de vrais médecins dans les déserts médicaux. C'est un gros travail de fond et c'est bien la solution principale à privilégier ! Sur le long terme, la solution d'un binôme médecin/télémédecine serait la solution parfaite. Ainsi, les médecins pourraient se concentrer davantage sur les actes médicaux.
La rédaction
Des économies sont également à la clé
Healphi
Exactement. D'ailleurs, depuis le départ, nous avons essayé de penser notre solution pour qu'elle soit la plus accessible possible. Nous n'avons pas proposé de services superflus qui feraient gonfler artificiellement le prix de la prestation. Notre offre colle aux besoins réels des professionnels de santé. Nous avons sélectionné les instruments connectés les plus courants. Cela nous permet d'avoir un prix de vente de la prestation totale (incluant la formation des médecins et des infirmiers, la logistique, etc.) de 24 500€. Ce qui reste abordable pour une collectivité, notamment au regard du coût total de la création d'une maison de santé.
La rédaction
De quels instruments se composent les « kits » ?
Healphi
En 2017, nous avons fait le tour des médecins pour qu'ils nous donnent leur ressenti sur la télémédecine. A partir de ces éléments, nous avons listé les instruments les plus utilisés.
Nous avons retenu :
Nous avons par ailleurs fait un gros focus sur l'auto-scope et le stéthoscope. Nous avons été intransigeants sur ces deux instruments essentiels et avons exigés la qualité. Ainsi, nous avons par exemple développé une application en collaboration avec Littman, qui permet une mesure exceptionnelle, permettant même de faire de la cardiologie. Par ailleurs, nous avons développé une application pour que les instruments soient spécialement utilisables en temps réel. Notre chariot doté d'un grand écran incurvé permet quant à lui de voir le médecin en permanence et de consulter facilement le dossier médical. Il n'y a pas de perte de liaison entre le médecin et le patient. C'est très important pour que le médecin ne soit pas gêné pendant la consultation. Nous avons également choisi un système audio de haute qualité pour nos micros et une caméra full HD d'une précision impressionnante.
La rédaction
Ajouterez-vous d'autres équipements à vos kits ?
Healphi
Si nous développons les spécialités de dermatologie et de cardiologie, nous proposerons un dermatoscope, et un ECG connecté qui permet de transmettre les électrocardiogrammes.
La rédaction
Au bout de 2 ans d'activité, avez-vous réalisé vos objectifs ?
Healphi
Oui nous sommes même allés au-delà. Quand nous nous sommes lancés nous croyions au projet, mais nous ne pensions que cela démarrerait aussi vite. Les changements règlementaires intervenus ces dernières années nous ont facilité la tâche. C'est d'ailleurs vrai pour toutes les entreprises de télémédecine. Le retour terrain est en tous cas très positif. Les patients qui ont eu leur premier rendez-vous de téléconsultation reviennent par la suite. Ils sont satisfaits de cette prise en charge et en parlent autour d'eux.
La rédaction
Parlez-nous de vos projets
Healphi
Actuellement, nous travaillons sur la conception de mallettes de téléconsultation pour les malades à domicile, car le besoin est réel. Dans certaines zones, les personnes âgées sont obligées d'aller en EHPAD car lorsqu'un médecin part, et qu'il n'est pas remplacé. Des infirmiers équipés de notre mallette de téléconsultation pourront continuer à rendre visite aux personnes âgées chez elles et ce qui éviterait le placement en EHPAD.
La rédaction
Le mot de la fin à nos lecteurs ?
Healphi
Notre vision est de faire de la télémédecine de terrain. D'être facilitateur pour les professionnels de santé avec un nouveau service à mettre à la disposition de leurs patients, une nouvelle technologie qui privilégie l'humain.
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