Le 25 mars 2020, le Président de la République Emmanuel Macron prenait la parole à Mulhouse et saluait en particulier la mobilisation des professionnels de santé face à l'épidémie de Covid-19. « Avec un courage exceptionnel, ils font face. Ils sauvent des vies. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir. Nous serons là aussi au rendez-vous de ce que nous devons, au-delà de cette reconnaissance et du respect ». Cette promesse de reconnaissance, les infirmiers libéraux l'attendent encore 4 ans plus tard. C'est pourquoi la FNI met en garde le chef de l'État dans une tribune à paraître dans l'ensemble des titres de la presse régionale le 19 mars et intitulée « Nous sommes là pour les Français les plus fragiles ! ». Les infirmiers et infirmières libéraux ont été les grands oubliés du Ségur de la Santé et les revalorisations tardent à arriver. Alors que la colère gonfle dans les rangs des infirmières et infirmiers libéraux, la FNI appelle dans cette tribune Emmanuel Macron à se mobiliser pour la profession.
Contexte
Depuis plusieurs semaines, un mouvement infirmier, initié par des collectifs émergeants sur les réseaux sociaux (IDEL en colère), mène des actions dans les territoires. Il traduit le malaise profond et légitime qui existe au sein de la profession infirmière sur lequel la FNI, première organisation représentative des infirmiers libéraux, ne cesse d'alerter le Gouvernement et l'Elysée. Ce malaise, né de la grosse fatigue de la profession qui a porté à bout de bras les soins à domicile durant la crise sanitaire est profond et multifactoriel :
Si la FNI n'est pas partie prenante des mouvements en cours, car les revendications émises s'affranchissent des modalités de négociations conventionnelles et de toute soutenabilité financière crédible, elle est pleinement mobilisée, au national, comme dans les territoires.
Le combat de la FNI s'inscrit dans la durée et porte les revendications de la profession au travers les canaux qui sont à sa disposition, c'est-à-dire par la voie conventionnelle, mais aussi par ses actions à tous les échelons de la République (ministère de la Santé, cabinets du Premier ministre et du Président de la République, parlementaires). Chaque année, le budget de la sécurité sociale est voté par le Parlement ce qui permet de mettre à la disposition de l'État et de la Cnam une enveloppe budgétaire fermée.
La FNI défend l'idée que les ressources existent, seulement, leur répartition par rapport aux objectifs affichés par le gouvernement (virage ambulatoire et approche domiciliaire) est incohérente. L'impact de l'arrivée des générations du baby-boom dans le grand âge et la dépendance et l'explosion des maladies chroniques rendent ce décalage insoutenable Les professionnels de santé libéraux ne peuvent absorber les transferts d'activités depuis l'Hôpital à moyens quasi constants et sans investissement massif sur les soins de ville. De plus l'investissement sur les soins de Ville, lorsqu'il y en a, ne doit pas être capté en majeure partie par le seul corps médical.
La FNI tient le cap qu'elle s'est toujours fixé, à savoir celui de la négociation, sur la base de propositions crédibles et chiffrées. La voie de la négociation conventionnelle a permis à la FNI d'obtenir ces dernières années des avancées importantes pour la profession et elle ne compte pas s'arrêter là. En syndicat réaliste et conventionniste, la FNI a demandé au ministère, ainsi qu'à la CNAM, l'ouverture rapides de nouvelles négociations conventionnelles.
Depuis mars 2019 et jusqu'à juillet 2023, la FNI a négocié 5 avenants pour un total de 880 millions d'€/an environ. Pour information, l'enveloppe annuelle globale de la profession est de prêt de 10 milliards d'€ en 2023.
Une partie importante des 880 millions d'€ est fléchée sur la prise en charge de la dépendance (plus de 450 millions d'€). La réforme du Bilan de soins infirmier (BSI) est aussi passée par là, et la généralisation selon Thomas Fatôme, directeur général de la CNAM, induit aujourd'hui des dépassements d'enveloppe extrêmement importants. La FNI est allée chercher cette généralisation avec les dents, convaincue que la transparence sur ce secteur d'activité est une question de survie pour la profession. Une autre partie du total négocié (300 millions d'€) porte sur l'inscription d'actes nouveaux à notre nomenclature et la valorisation d'anciens actes.
Le dernier avenant N°10 porte, lui, sur la valorisation des Indemnités de frais de déplacement (IFD (100 millions d'€)).
Les 30 millions du solde concernent en partie les mesures adoptées pour les IPA et tiennent compte du faible effectif de la profession en exercice libéral, le reste étant ventilé sur des mesures comme le développement de la télésanté et le déploiement de la vaccination notamment.
Les propositions de la FNI
La FNI porte une série de propositions visant à une meilleure reconnaissance de la profession et à un développement ambitieux de l'approche domiciliaire. Elle a d'ailleurs porté ses revendications auprès de la Cnam, de Matignon et du ministre de la Santé et de la Prévention Frédéric Valletoux.
Daniel Guillerm, Président de la FNI- conférence de presse FNI du 18 mars.
« On ne peut pas se contenter, dans le contexte actuel, de déclarations, de mesures d'affichage. Pour éviter une escalade et une cristallisation du mouvement, il faut que nous trouvions une voie de passage pour sortir de cette situation par le haut. Le risque aujourd'hui est celui de la radicalisation de la profession. La profession infirmière dans le cadre du maintien à domicile aujourd'hui est un élément essentiel, 75% des prises en charges de patients en perte d'autonomie sont réalisées par le secteur libéral. Demain, si on aboutit à une moindre attractivité de la profession, nous aurons des professionnels qui arrêtent de s'investir, et de très sérieux problèmes dans le système de santé ».
La FNI publiera le 19 mars dans tous les titres de la presse quotidienne régionale une tribune adressée au président de la République destinée à provoquer l’électrochoc attendu par l’ensemble de la profession.
La FNI y rappelle l’engagement sans relâche des 135 000 infirmières et infirmiers libéraux, dans tous les territoires de métropole et d’outremer, 7 jours sur 7, fériés compris, par toutes les situations météorologiques. Ils sont les seuls professionnels de santé à se rendre quotidiennement au domicile des patients atteints de maladies graves et longues, âgés dépendants, et de plus en plus souvent désormais en fin de vie. Ils y prodiguent des soins, soulagent la douleur et participent à la prévention à travers la vaccination, le dépistage et le repérage des fragilités. Ils étaient seuls sur les routes et dans les rues de villes et banlieues lorsque le pays a été mis à l’arrêt lors de la crise sanitaire de la Covid19
Ils l’ont fait au péril de leur santé et pour certains d’entre eux au prix du sacrifice de leur vie.
En retour, qu’ont-ils obtenu ?
S’il y a eu quelques avancées positives et utiles avec la forfaitisation de certains actes liés à la prise en charge des patients dépendants (BSI), leur effet a été contrebalancé par des tarifs de base bloqués dans un contexte d’inflation, et des frais de déplacements décorrélés des hausses de prix des carburants.
Le harcèlement de l’assurance maladie est devenu un fait du quotidien. Une imprécision dans la rédaction d’une ordonnance de soins infirmiers par le médecin entraine un tsunami de complications pour les infirmières auxquelles les caisses réclament de rembourser les plus souvent des sommes modiques. Non seulement on leur demande de rembourser un acte déjà réalisé, ce qui revient à leur imposer du travail gratuit, mais ces récupérations d’indus s’effectuent également souvent via des retenues sur flux qui échappent ainsi à la mobilisation des procédures de défense des professionnels.
Depuis des mois, l’assurance maladie maintient le couvercle sur ce sujet en minorant la situation au motif qu’elle ne s’intéresserait qu’aux situations de fraudes manifestes. La FNI ne défend pas la fraude mais dresse aujourd’hui le constat que c’est la majeure partie de la profession qui est concernée par des indus de bonne foi.
C’est encore la pénibilité de la profession, qui n’est pas reconnue. Le sujet avait été écarté des négociations de la réforme de la retraite par le Gouvernement, réservant les dispositifs aux seuls infirmiers des établissements. Le ministre délégué à la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux, a lancé à la demande de la FNI une mission IGAS sur la pénibilité du métier d'infirmier libéral, mais sans donner d’indication sur la date à laquelle le rapport est attendu ni sur les leviers qui pourraient être actionnés pour apporter les améliorations attendues.
A cela s’ajoutent les effets de la faillite de la prise en charge de la Santé mentale. Les infirmières sont confrontées à des situations parfois extrêmes avec des patients, et parfois aussi leur entourage, qui relèvent de la psychiatrie. Face à leurs violences et insultes, qui s’inscrivent parfois dans le contexte de violences urbaines, les infirmières se retrouvent seules.
La FNI, qui a multiplié les initiatives et propositions, saisit le chef de l’Etat avec une question simple « Nous sommes là pour tous les Français. Et vous, Monsieur le Président de la République, serez-vous là pour nous ? ».
Cette tribune a pour objectif de créer une prise de conscience qui débouche sur des réponses et des solutions.
Jean-Daniel Lévy, Directeur du département politique et opinion d'HarrisInteractive – conférence de presse FNI du 18 mars.
« On observe une progression manifeste du regard des infirmiers libéraux à l’égard de la contestation, 19 points d’évolution. Cela s’inscrit dans un contexte de perception où seule la contestation permet d’obtenir des formes de satisfaction. À ce titre-là, le
mouvement des gilets jaunes, celui des retraites et enfin le dernier mouvement des agriculteurs, ne sont pas sans effets sur la perception de la part des infirmières, qui
jusqu’à présent n’étaient pas dans une dimension habituelle de se mobiliser ou d’utiliser les outils les plus radicaux. On est dans une situation dure et tendue. Vu qu’il ne s’agit
pas de la première enquête, il s’agit pour nous d’une alerte. Ceci nous rappelle un peu le mouvement des agriculteurs ».
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