Depuis trente ans, l'Odas fournit régulièrement un état et une analyse de l'évolution des dépenses départementales d'action sociale et médico-sociale. Malgré la crise sanitaire et ses conséquences considérables et difficilement mesurables sur le fonctionnement des départements, nous avons décidé de produire, cette année comme les années précédentes, les résultats du travail collectif mené en la matière par un échantillon représentatif de 43 départements. Voici une synthèse des principaux résultats chiffrés.
Les dépenses globales
En 2020, la dépense nette d'action sociale départementale a augmenté de 1,6 milliards d'euros par rapport à 2019 (soit +4,2%), passant de 38,6 à 40,2 milliards d'euros. La participation financière de l'État est restée presque stable par rapport à 2019 (+1,4%). La charge nette progresse de 1,5 milliards d'euros par rapport à 2019 pour atteindre 31,8 milliards d'euros (+5,1%). Ces augmentations de la dépense nette et de la charge nette sont deux fois plus importantes que l'année précédente.
Face à la crise sanitaire, pour accompagner les initiatives de l'État afin d'assurer la continuité de l'accompagnement et la protection des personnes vulnérables, les départements ont tout naturellement mené des actions complémentaires. Mais surtout, ils ont veillé à la continuité des principaux services, en permettant l'assouplissement des procédures et l'émergence d'initiatives nouvelles. Enfin, ils ont répondu très vite à l'afflux de demandes de RSA et d'aides financières. Notons sur ces points que l'incidence financière des effets liés à la Covid-19 ne sera pleinement constatée dans les comptes des départements qu'en 2022 et 2023.
La dépense nette, soit la dépense défalquée des recettes (récupérations d’indus, participations des usagers, remboursements à d’autres départements ou à l’assurance maladie…) ne traduit pas la charge financière que représente l’action sociale pour les départements. En effet, parmi les dotations versées par l’État, certaines sont explicitement affectées au financement des allocations : la CNSA participe ainsi au financement de l’APA et de la PCH à hauteur de 2,8 milliards d’euros en 2020, tandis qu’une part de la dépense de RSA est couverte par le transfert d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et par le versement du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI) pour 5,6 milliards d’euros en 2020.
La charge nette des départements est donc obtenue en retranchant ces dotations de la dépense nette. Cette charge nette représente le poids réel de l’action sociale pour les départements.
Protection de l’enfance
En 2020, la dépense nette d’aide sociale à l’enfance a augmenté de 3% par rapport à l’année précédente, pour atteindre 8,1 milliards d’euros. Cet accroissement est lié essentiellement aux frais de placement en établissements, qui atteignent près de 5 milliards d’euros (+4,5%). Le placement familial est quasi stable à 2,2 milliards d’euros1. Les autres dépenses nettes n’augmentent pas non plus, à l’exception des aides financières, passées de 160 à 190 millions d’euros (+18,7%) après plusieurs années de baisse ou de stabilité. Il s’agit d’un accroissement des secours d’urgence et des aides alimentaires, que les départements ont mis en place depuis le début de la crise sanitaire.
Personnes en situation de handicap
La dépense nette d’action sociale départementale en direction des personnes en situation de handicap a augmenté de 2,7%. En ce qui concerne la dépense nette de PCH, elle a augmenté de 5,6%, alors que le nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2020 n’a augmenté que de 3,1% (+9 000), pour avoisiner désormais les 300 000 personnes.
Personnes âgées dépendantes
La dépense nette d’action sociale départementale en faveur des personnes âgées dépendantes a augmenté entre 2019 et 2020 de 3,6%, soit +260 millions d’euros. Compte tenu de l’augmentation de l’apport de la CNSA pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), la charge nette n’a augmenté que de 2,8%, soit 140 millions d’euros.
Insertion
La dépense nette liée au RSA a augmenté en 2020 de 725 millions d’euros (+7%) par rapport à 2019. Elle atteint dorénavant plus de 11 milliards d’euros, dont la charge est répartie à égalité entre les départements et l’État. Toutefois, l’État n’ayant pas augmenté sa contribution financière, la charge nette pour les départements a augmenté de +15% (+ 725 millions d’euros en 2020). C’est donc bien le RSA qui explique près de la moitié de la charge supplémentaire d’action sociale pour les départements en 2020.
Personnel
Le coût du personnel départemental dédié à l’action sociale a augmenté de 3,9%. Cela s’explique notamment par l’octroi de primes et d’indemnités, ainsi que par les créations provisoires de postes liés à la pandémie (remplacements ou recours à des prestations extérieures).
Conclusion
Nous pouvons donc relever que la dépense et la charge d’action sociale ont fortement progressé en 2020, bien au-dessus de l’inflation. Or, cette évolution devrait perdurer et s’accroître en 2022 et 2023, car les effets réels de la pandémie sur l’économie et leurs conséquences sociales ne seront visibles que dans les prochaines années2. En effet, comme en 2020, on devrait voir s’accroître le nombre de bénéficiaires du RSA, mais aussi le nombre d’enfants à protéger, car nombre de familles et d’enfants ont été fortement perturbés par les contraintes nées de la crise sanitaire. À ces difficultés s’ajouteront celles de la prise en compte dans les budgets départementaux des déficits prévisibles des services et établissements sociaux et médico-sociaux.
Le plus préoccupant est que face à cette forte augmentation des besoins, les départements risquent d’être moins bien outillés pour pouvoir y répondre. En effet, l’État ne sera certainement pas en mesure d’accroître sa contribution financière au budget des collectivités locales, alors que les recettes autonomes des départements seront elles aussi nécessairement affectées par les effets de la crise sanitaire. On peut donc affirmer que s’ouvre dorénavant un cycle très préoccupant pour l’avenir de l’action sociale départementale. Sauf à imaginer que de ces difficultés surgissent de nouvelles opportunités de transformation et d’optimisation de nos réponses. En effet, malgré de nombreuses tentatives, deux axes déterminants de rationalisation de l’action sociale départementale n’ont toujours pas abouti : le premier porte sur la réorientation des financements vers plus de prévention et de prévenance3, seules aptes à atténuer la progression de la détresse sociale dans les domaines de la protection de l’enfance mais aussi de la dépendance ; le second porte sur la définition de nouvelles formes de coopération entre tous les acteurs publics et parapublics, pour mutualiser les ressources et simplifier les procédures. Cela pourrait par ailleurs permettre d’améliorer les relations avec les publics concernés, et de renforcer la crédibilité de la décentralisation de l’action sociale.
1. Dans son enquête annuelle rénovée depuis 2019, sur le personnel social et médico-social, la DREES note une baisse des nombres d’ASSFAM salariées des départements : 37601 fin 2017, 37 078 fin 2018 et 36 410 fin 2019.
2. Pour l’année 2021, il est probable que la situation paraisse plus favorable qu’en 2020, car les mesures gouvernementales de soutien à l’économie jouent encore leur rôle de bouclier.
3. Aussi appelée co-veillance, le terme « prévenance » vient du Québec. Dépassant la notion de prévention, ce concept renvoie au fait, « d’être attentif aux besoins de chacun et de faire à plusieurs, dans une logique collective et une dynamique de lien social » (Jean EPSTEIN, 2006).
Suivez l'actualité de l'emploi et de la formation dans le secteur des métiers de le santé, du social et des SAP